L e c o i n d e s a m i s Stephen Jourdain par François Trojani - page 2 sur 2 |
Peut-être, me suis-je dit
par la suite, afin de me consoler,
n'est ce pas ce qu'il dit qui serait spécialement à comprendre,
mais ce qu'il fait. Il est manifestement occupé à
un travail,
Il tente sans doute de dire des choses
encore indicibles pour l'instant, qui ne prendront peut-être un
sens que dans un futur de l’homme… comme celle de la prise
de conscience de la conscience par elle-même, au
sein d’un autre ciel, d'une émergence
à venir de la conscience. Il ne fait que conter, d'instant
en instant, l'inimaginable et sans doute douloureux saut qualitatif du
plus grand entrant dans le plus petit d'un corps et d'un esprit,
de l'immensité dans le relatif. Il est en train de tracer devant
mes yeux stupéfaits le minuscule intervalle de
Habitué a manier des mythes, des symboles et des rêves, j'en viens même et désormais à envisager la folle hypothèse - ce sera valable pour plusieurs des «rencontres» qui auront lieu par la suite à Vizzavona - qu'il ne s’est jamais agi d'un échange ou de rencontres, devant un café noir au Bullier ou bien, chez lui, rue Boissonade, dans le temps des horloges et dans cet espace tridimensionnel fermé. Je ne vais pas compliquer encore les choses en y rajoutant de «l'occulte», des «pouvoirs» ou des «phénomènes» - autant de choses dont il avait horreur - mais en maintes circonstances et au cours de certains de nos échanges, j'ai bien eu le sentiment d’une sorte de «délocalisation» ; comme si le sens de ce qu'il verbalisait prenait une densité, devenait réel, provoquait ainsi une fissure ou une sorte de «vortex» qui enroulait ou déroulait l'espace et le temps ordinaire suivant d'autres normes. Comme si, ce qui était peut-être à comprendre ne pouvait l'être que dans une autre des strates d’un réel encore en construction et dont ma conscience n'était encore qu’un reflet. … Peu de choses s'appliquaient aussi bien à lui que le symbole du Labyrinthe pour tenter de signifier cet homme, sa vie, ce qu’il a dit et écrit. Sauf que, concernant ce millénaire tracé, il a semble-t-il conjugué en lui le génie de son constructeur, Dédale, les avatars survenus à son fils, Icare, et la victoire de Thésée…..
Il a par contre laissé à chacun le redoutable et libre choix
d'affronter l'obscurité, les méandres et ce Minotaure qui
veille dans les couloirs de leurs consciences... Ils les a
conduits à acter, comme des guerriers, pour l'une
ou l'autre de ces options, afin que la possible victoire soit leurs victoires
et non la sienne. Beaucoup de ceux que j'ai
rencontré autour de lui - il faut tout de même
le dire -n'’ont perçut ce Labyrinthe que comme un de ces
jardins à l'anglaise, bordés de haies où l'on y devisait
des derniers potins de la «spiritualité» et des gourous
à la mode…. Nous nous sommes peut-être rencontré sur une arche, au sein d’un arc-en-ciel fait de ces «couleurs» qu’il vénérait tant, dans la passagère écume d'une vague, entre «deux rives», au point ou se conjugue l'ici et l'ailleurs, la mort et la vie, moi et sa parèdre, Iom, comme il l'a signifié dans ce qu'il considérait comme son plus bel ouvrage, «La flèche de talc».
A première vue, Stephen était un homme des plus ordinaires, antithèse s'il en fut d’un « maitre » empli de sagesse, d'un héros ou d'un «grand initié», et cependant sa rencontre a pris pour plusieurs la fulgurance de l'éclair, les ravages d’un cyclone et les résonances du tonnerre. Beaucoup, si non tous, ne s'en sont pas remis ou l'ont fuit … Il nous reste désormais quelques cartes, disons plutôt quelques-uns des Rhumbs qu’il a suivi lors de son voyage vers ces îles lointaines, quelques relations aussi, comme celles du carnet de bord d'un capitaine sur ces vastes océans de l'Absolu.. Que l'on me comprenne bien. Par le tissage qui précède, je ne suis pas en train de suggérer que j'ai abordé moi-même une de ces îles ou jaillissent les «eaux qui donnent la vie » et a ma connaissance, il est parti et revenu seul sur son bateau, dans ce tour du monde. Je tente de signifier ce que j'ai perçu de cet Ami, de Stephen Jourdain ; je n'ai fait qu'évoquer la fragrance d'un parfum, pas un individu, un nom, une expérience ou un état. |